An de grâce 639. Village dévasté de Gisgoul.
Silvosse, protecteur du mois de
Flovor était du genre peu clément en ce début
d’année. Un brouillard épais planait sur la
lande de Sidimote. Seules quelques créatures habituées des lieux erraient au son des croassements incessants des corbacs.
Une silhouette humanoïde trancha un instant l’épais brouillard, faisant dos à la
tour de Gisgoul. Elle était à l’écoute et marchait d’un pas lent, les créatures avoisinantes s’écartaient sur son chemin. Soudain, elle s’arrêta net, portant une
main à sa ceinture en dégainant une dague, d’un geste brusque il releva sa coiffe. A n’en pas douter il s’agissait d’un disciple
Feca, les ailes rouges qu’il arborait trahissaient son appartenance à la cité de
Brakmar. Après quelques secondes, il se remit en marche, s’arrêta de nouveau comme s’il cherchait à percer le voile blanc qui l’entourait.
«Qui va là ? » aboya-t-il.
Aucun retour.
Semblant certain de lui, il se mit à courir en direction du
cimetière des Torturés qui lui faisait maintenant face. Un bruit sourd retentit. Le feca venait de s’écrouler sur le sol…
D’aucuns racontent qu’à ce moment-là, le jeune guerrier perdit connaissance et que ce qui suit n’est que le fruit de son imagination. Les autres défendent ardemment l’idée qu’il ne peut s’agir d’une coïncidence, qu’il fit réellement cette
rencontre inopinée. Toujours est-il que le mythe se dessine ici.
Le malheureux se releva non sans mal. Le brouillard s’était subitement dissipé, mais un flou persistait. Une sorte de résidu de brume lui faisait face. Après s’être frotté les yeux, il se rendit à l’évidence : il y avait bien une masse difforme devant lui. Il approcha la main la dissiper et fut projeté à quelques mètres en arrière.
Personne ne pourrait dire ce qui se passa à ce moment là. Le seul document, aussi subjectif qui soit, est signé de la main de Jisatsu, qui livre son interprétation. Le voici.
« Je patrouillais à mon habitude, solitaire comme toujours. Le brouillard épais m’ôtait la vue, mais à l’approche du cimetière des Torturés je vis quelque chose d’inhabituel. Alors que je décidais de m’en emparer, cette chose s'est intégrée en moi.
Je fus soudain pris d’une vive douleur, de pensées sanglantes. Il me fallut quelques minutes pour remettre mes pensées en ordre et comprendre que
celles-ci n’étaient pas les miennes.
J’entendais des voix, des images défilaient dans ma tête. Essayant non sans mal d’en extraire l’essence, je finis par comprendre cette décharge émotionnelle. Je
connaissais cette histoire, j’avais déjà entendu ces noms.
Hyrkul,
Ménalt,
Ordre du Tonnerre,
Aurore Poupre... Tout un pan de notre histoire qui explosa instantanément en moi.
C’est alors que je compris. Cette chose m’avait empli de connaissances et d’émotions. J’étais plongé au cœur de
la bataille de l’Aurore Pourpre. Je voyais Hyrkul, général Brakmarien, donnant le coup de grâce à Ménalt, suivi de son avancée vers Bonta et de sa mise en échec aux murs de la ville, son retrait vers l’Est. Puis plus rien, si ce n’est un affrontement sanglant et le nom de
Pouchecot qui résonne dans ma tête.
Ce ne pouvait être que ça. Cette chose que j’avais rencontré était sans doute un spectre. Le spectre d’Hyrkul qui errerait encore dans les landes, comme on le dit dans les récits de ce monde. »
C’est le seul récit des faits qui existe à ce jour. L’on raconte que ce fut le déclic de la création de la faction des
Héritiers Pourpres. Mais personne d’autre que son fondateur lui-même n’était apte à justifier de cette rumeur. On suppose qu'il s'inspira de l'interprétation suivante pour couler les principes de son clan.
« C'est alors que j'ai deviné ce que signifiait cette rencontre : Ménalt nous a
construit le sol sur lequel nous reposons. Mais nous autres disciples de Rushu, fidèles de
Djaul, partisans d'Hyrkul, nous ne pouvons tolérer que le créateur de ce sol ait un jour eu l'audace de vouloir tuer Hyrkul. Nous devons poursuivre ce que nos ancêtres, ce que nos Dieux ont défendu jusqu'alors. Nous devons nous aussi servir notre cause pour qu'un jour, les efforts jusqu'ici vains pour terrasser l'ennemi, se concrétisent ! »
Extrait de l'appel général à la mobilisation (date inconnue).
- Citation :
- Je vous invite mes frères d'arme, à ne pas tarder plus longtemps.
Rejoignez-moi, ensemble bâtissons une faction d'élite, branche armée et solidaire de Brakmar. Repoussons les forces Bontariennes hors de nos contrées. Eradiquons les percepteurs, descendants directs de Ménalt, qui n'ont pour seule vocation que de retrouver sa tête et lui redonner vie. Jamais au grand jamais la tête de Ménalt ne doit refaire surface. Pas tant qu'Hyrkul ne soit réincarné en tout cas, mais pour ça il faut que la balance nous soit favorable, ce qui inclue l'éradication globale des forces ennemies !
Rejoignez notre cause. Ensemble bâtissons la plus grande et fervente armée que notre histoire n'ait jamais connue.