[Présentation] Yopimarus.

La sacrieuse était hypnotisée par le charme de Yopimarus. Elle n'avait plus conscience d'être dans une des tavernes les plus mal famée de Brâkmar, seul l'eniripsa bleuté assis en face d'elle était encore présent dans son esprit. Elle buvait véritablement ses paroles, prise malgré elle par les mots enchantés qui sortaient de la bouche de son interlocuteur.

"- Eh oui, jeune novice, tu verras très vite que les eniripsas dans notre monde ne sont plus ce qu'ils étaient. De nos jours, presque tous sont de véritables esclaves d'autres personnages, obéissants à leurs moindres désirs, et n'ayant plus aucune volonté propre. Plus encore, rares sont ceux qui arrivent à survivre, et à progresser seuls. La plupart préfèrent prêter allégeance à un autre personnage pour progresser plus vite, et ne sont guère plus que de misérables pains sur pattes. Il arrive parfois que certains parviennent après à prendre leur indépendance, à devenir véritablement puissant et indépendant. Mais même dans ce cas présent, leur mérite est faible en comparaison à mon incroyable être.

-Owi, Yopi, t'es le meilleur !

- Fermes-la, je n'ai pas fini. Donc, j'ai débuté et progressé seul, comme tout véritable eniripsa se devrait de le faire. Très vite, je me suis aperçu que taper des tournesols sauvages était aussi amusant à plusieurs. Aussi me suis-je intégré dans diverses guildes, dont les membres étaient plutôt sympathiques. Malheureusement, la plupart disparurent, me laissant à nouveau seul. J'ai donc un jour décidé de m'acheter une maison, afin de m'y reposer le temps de retrouver quelques personnes prêtes à casser du monstre en ma fabuleuse compagnie. Mon choix se porta sur Bonta.

-Oh, mais...

- Je me suis toujours demandé, pourquoi vous, femelles, possédiez vous une bouche. J'ai appris il y a quelques années, que ce n'était pas pour parler. Donc, fermes-la. Pourquoi Bonta ? suggère sans doute ton esprit minable.Tout simplement par confort, non par conviction. Je n'avais à l'époque encore goûté qu'au plaisir de tuer des monstres, et rien d'autre. Bonta me permettait de vivre plus confortablement qu'à Brâkmar, la vie y était moins rude. Ce n'est que quelques années plus tard, me rendant compte que j'étais de nature relativement mesquine et lâche, que je décidais de vouloir dépouiller quelques personnes de leurs richesses. Je me dirigeai donc vers la milice, mais après un rapide entretien, ils me jetèrent à la rue, prétextant que je n'avais pas les bonnes motivations. Ces imbéciles ne parlent que d'honneur, de justice, de gloire au combat, et autres joyeusetés absurdes. Je décidais donc de rester bontarien officiellement, rechignant à abandonner mon confort, et me dirigeai vers l'antre bien connue des Primum Nocere. J'avais en effet fait connaissance avec bon nombre de leurs membres, et l'esprit de la guilde me convenait parfaitement. Malheureusement, j'ignorais alors que leurs règles étaient aussi strictes, et on me drogua afin de me faire prêter allégeance à la cité de Brâkmar, et ainsi fus-je intégré presque de force chez eux. Le mal était fait.

Depuis ce jour, j'ère dans le monde des douzes, toujours en quête de tout ce qui pourrait m'être profitable. Je n'ai pas le goût bestial que certains ont pour les champs de bataille, mais voir des vies ruinées, des foyers saccagés et leurs richesses entre mes mains me procure toujours autant de plaisir. Ma puissance grandit parallèlement à ma soif de nuire."

L'eniripsa aux couleurs azuréennes se leva, et se dirigea vers le comptoir commander une bière. En revenant à la table, il distingua sous la cape de la sacrieuse la forme d'une bourse bien remplie.

"-Très chère amie, j’ai le regret de t'annoncer que ta vie prend fin. J'aurai voulu profiter du seul avantage que ta personne possède, ton corps, mais il se trouve que ta bourse est suffisamment remplie pour me permettre de me payer une nouvelle bière, et la mienne est vide. Adieu.

-Mais je n’ai pas de k..."

La sacrieuse n'eut pas le temps d'achever sa phrase. L'eniripsa avait allongé son bras fin en sa direction, et il sortit de sa bouche un mot à la sonorité venant d'outre-tombe. La sacrieuse s'effondra sur le sol, carbonisée. Les ivrognes présents sursautèrent, puis retournèrent machinalement à leurs boissons. Alors que l'eniripsa s'acharnait à tenter de pousser le corps de ses faibles bras afin de pouvoir saisir la bourse, un feca au chapeau pointu entra dans la taverne. L'apercevant, l'eniripsa l'apostropha :

"-Ooh, Jisa, tu tombe bien, aide moi à pousser cette catin !
-Il me semblait bien t'avoir entendu... viens avec moi dehors, j'ai à te parler.
-Très bien, mais après avoir récupéré sa bourse."

Le feca poussa un soupir, et donna un coup de pied au cadavre qui se retourna. L'eniripsa saisit la bourse, et la vida.

-Des graines de sésame... Je savais qu'elle était jeune et inexpérimentée, mais à ce point…soupira l'eniripsa.

Les deux compères sortirent de la taverne. Jisatsu expliqua alors à l'eniripsa qu'il avait rencontré le spectre d'Hyrkul, et qu'il souhaitait terminer son œuvre avec son aide. Après l'avoir laissé expliquer tout son projet, l'eniripsa posa une main sur le front du feca.

-Hum, tu n'as pas l'air fiévreux, tu ne divagues donc pas, ça l'air d'être sérieux. Bah, après tout, cela me permettra de jouir d'autres destins tragiques, et avec un peu de chance, à long terme, Brâkmar deviendra une ville plus confortable qu’elle ne l’est actuellement. J'en suis ! Allons décimer du bontarien !